Catégorie : De mes yeux entendu

La lunette

Ce matin, chemin faisant vers le bureau, j’emprunte distraitement le même corridor menant à la même station de métro que je prends chaque fois. J’y croise une première personne itinérante, que je croise également chaque matin. Puis une deuxième, qui est toujours postée un peu plus loin… mais pas ce matin. Il n’y est pas. J’ai envie de me dire que tout est ok, qu’il ne lui est rien arrivé de grave, qu’il n’est pas blessé ou malade, ou pire. Mais dans le faits, je n’en sais évidemment rien. Mais j’espère qu’il est ok. C’est vraiment la seule chose que je puisse faire, même si le coeur m’a serré quand j’ai constaté son absence.

Ceci m’a rappelé ma formidable nièce adoptive, ma belle Audrey. Et une petite anecdote en apparence anodine, mais qui m’est revenue de plein fouet à ce moment. Il y a plusieurs années, je la gardais pour une semaine, et nous nous rendions à sa garderie et à mon travail, qui étaient (ô bonheur) situés tout près l’un de l’autre à l’époque. Nous prenions le métro, où nous croisions régulièrement un ou deux itinérants sur notre route. À un moment, je donne un peu d’argent à l’un d’eux et Audrey me demande pourquoi le monsieur a besoin d’argent, pourquoi il est là. J’ai opté pour ce que je pense être le plus honnête possible, soit le fait qu’il a nécessairement manqué de chance, probablement aussi avec des ennuis de santé et plusieurs défis personnels et donc, il a perdu sa maison et il est maintenant itinérant. Et il a besoin d’aide et de ressources à plusieurs niveaux. Audrey m’a écouté attentivement et posé quelques questions, et nous sommes ensuite arrivées à destination.

Le lendemain, en arrivant à la même station de métro et à l’escalier devant lequel se trouve le même itinérant, Audrey s’exclame : zut! j’ai oublié mes sous, tante Brigitte! Je voulais beaucoup aider le monsieur moi aussi ! Je la rassure donc en lui expliquant qu’à son jeune âge et ses modestes moyens, elle n’a pas à s’en préoccuper, que certaines personnes le font (et j’évite évidemment tout le débat de société qui s’y rattache…). La journée se passe donc et le lendemain matin, en arrivant à la station en question, elle me montre quelques pièces qu’elle avait prises dans son portefeuille et me dit : « Ce matin, j’y ai pensé ! Et je vais donc pouvoir lui donner des sous et l’aider moi aussi, le monsieur. »

J’étais impressionnée de constater à quel point elle y tenait. Je n’ai pas osé insister pour qu’elle garde ses sous, me disant qu’on en reparlerait et que ça lui ferait visiblement tellement plaisir. En arrivant devant l’escalier, l’homme itinérant ne s’y trouve pas. J’ai le coeur qui me serre automatiquement (car comme ce matin, j’ai eu peur qu’il lui soit arrivé quelque chose de grave), puis je me prépare à ce qu’elle m’exprime sa grande déception devant cette absence… quand je la vois sauter de joie avant qu’elle me dise, le regard brillant : « Oh wow! Il a trouvé sa nouvelle maison, tante Brigitte! C’est génial! ». Je ne me souviens pas avoir été aussi surprise qu’émue, du même coup.

Par cette magnifique façon de voir les choses (et oui, très innocente et idéaliste, on le sait), mais quand même formidable. J’avais le coeur trop serré pour dire quelque chose (et les yeux remplis d’eau), mais j’ai quand même réussi à lui faire mon plus beau sourire, doublé d’un clin d’oeil complice tout en serrant (trop) fort sa petite main dans la mienne.

Tout est dans l’oeil de celui qui regarde… à travers sa propre lunette. Et celle d’Audrey est aussi unique que belle. Je lui souhaite de la garder (intacte) le plus longtemps possible !

…Pas d’bas

Samedi soir, je suis allée voir le film «Monstres de la mer en 3D» avec mes neveux-chéris. Que nous avons beaucoup aimé, en passant, qu’est-ce que c’est bien fait le 3D avec IMAX. Les deux ptits loups s’étendaient les bras pour essayer d’attraper les poissons. Trop cute!
Sur le chemin du retour, nous avons remonté la rue St-Laurent, et son chic secteur près de la rue Ste-Catherine.
C’est là que mes deux neveux ont aperçu des «photos de madames-tout-nues», se demandant bien –en riant d’un savant mélange de surprise/gêne- ce qu’elles faisaient là, exposées aux yeux de tous?
Je leur ai donc expliqué qu’il s’agissait de bars, où les hommes allaient parfois prendre une bière et admirer les «madames-tout-nues» danser.
Re-fou rire général, toujours teinté de gêne/surprise mais soudainement aussi empreint d’une grande curiosité/incompréhension.
Charles me l’explique ainsi: «Wouach! C’est dégueulasse!».
Et Julien, plus subtil, me demande plutôt: «Mais pourquoi elles font ça, «danser-tout-nues» devant TOUT LE MONDE? Ça doit pas être le fun… Ça doit être gênant!?!».
Maintenant prise avec cette belle petite boîte remplie de petits vers grouillant –et rigolants- dans tous les sens, fraîchement ouverte par moi-même, je me devais donc de répondre de mon mieux, afin d’en refermer au plus tôt le petit couvercle (du moins temporairement – mon frère et ma belle-soeur pourront s’occuper des prochaines questions…).
J’ai donc opté pour le créneau le plus «répandu et accepté socialement», soit celui de l’obligation.
Je leur ai expliqué que certaines femmes faisaient ce travail parce qu’elles ne trouvaient pas autre chose, pour payer leur loyer, leur épicerie, pour faire vivre leur famille, même. Parce qu’aussi, parfois, elles voulaient justement payer leurs études dans le but utlime de faire autre chose un jour/gagner leur vie autrement.
Parce que parfois, elles n’avaient pas fait beaucoup d’études, parce qu’elles n’avaient pas eu beaucoup de chance, parce qu’elles n’avaient pas beaucoup de sous.
Et Charles d’ajouter, très philosophiquement: «Et pas beaucoup d’chandails!».

Christian

En faisant mes courses au Marché Jean-Talon vendredi dernier, je me retrouve en file à la caisse chez mon boucher préféré, attendant mon tour pour payer -et emporter avec une hâte anticipée- un beau gros morceau de bavette de cheval.
Que j’ai dégusté bien mariné et cuit au BBQ ce week-end, en formidable compagnie. Mais passons, et revenons-en à la file chez le boucher.
Je tiens donc mon butin en fouinant distraitement parmi les nombreux produits étalés de chaque côté de l’allée menant à la caisse. Juste avant mon tour, je surprends distraitement cette conversation, entre la personne devant moi et celle derrière le comptoir:
«Loin de moi l’idée de me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais je tenais à vous dire que je trouve que votre prénom, Christian, ne vous convient pas du tout», dit donc l’homme devant moi, avec une belle voix chaleureuse, et un accent français des plus sexy (je l’ai dit souvent, je suis quétaine et je m’assume… et j’adooooooore les accents!).
Puis j’entends une voix bredouiller ceci en guise de réponse/explication: «Oui, euh, je sais, ce n’est pas mon sarrau, c’est celui d’un collègue, car le mien est au nettoyage. Moi c’est Sophie»!
Du coup, je n’ai pu me retenir d’éclater de rire tout en me retournant et d’ajouter aussi vite, sans pouvoir m’en empêcher non plus, à l’intention de l’homme au délicieux sens de l’humour: «Vous êtes vraiment chanceux, vous, car je vous parie que si c’était moi qui avait fait ce commentaire, la jeune femme se serait effectivement prénommée Christian, tout improbable que ce puisse être!».
Et lui de me répondre à son tour par un charmant éclat de rire, et un très beau regard pétillant. Qui m’a gelée sur place, car je n’avais pas réalisé, dans toute cette histoire, qu’il était aussi beau/craquant.
L’homme a ensuite demandé s’il pouvait, svp, avoir un petit sac, pour emporter ses petits achats, suite à quoi la jeune caissière lui en a tendu un, en rétorquant, non peu fière de donner à son tour dans l’humour: «Bien sûr, mais nous n’en avons que des gros!».
Ce à quoi l’homme a conclu: «Alors va pour un gros sac, pour un gros niaiseux», toujours avec son accent et son incroyable sourire, en me faisant le plus beau des clins d’oeil et en se présentant.
Le «gros niaiseux» (?!?) en question se nomme donc Sébastien.
J’aimerais tant vous expliquer où j’ai trouvé la force?, la contenance??, la présence d’esprit??? de lui confirmer que «ce prénom, à l’inverse de la dite Christian, lui allait à ravir» mais encore à ce jour, je n’en ai pas la moindre idée.
MY GOD! Je n’ai assurément jamais rencontré quelqu’un de si charmante façon.
Qui a dit que les hommes ne savaient pas/plus aborder les femmes?
En tous cas ce n’est pas moi, ça, je le confirme!

Zodge

Décidément, la vie est vraiment zodge.
L’amitié est zodge.
L’amour, aussi.
Le Festival du nouveau cinéma, qui arrive à grands pas, est vraiment «full zodge».
Le sushi, c’est zodge aussi…
Claude Legault est assurément zodge. Oh yesssss.
Et vous, qu’est-ce que vous trouvez zodge en ce moment???
Si par un énorme hasard, vous ne savez pas exactement de quoi je parle, demandez à Charles, mon petit neveu. Le (nouveau) mot est de lui…

L’annee de la pomme de terre

Invitée tout récemment à partager un délicieux et copieux repas, en la charmante et élégante compagnie d’un bon ami, Mr R, j’ai fait une découverte (qui n’en sera probablement pas une pour tout le monde, je sais, c’est moi, ça…) aussi surprenante qu’évidente, en fait!
Nous étions attablés au restaurant l’Actuel, rue Peel, dans le but avoué et anticipé de déguster un bon filet mignon sauce béarnaise, bien arrosé et accompagné -ô comble de joie- des incoutournables frites.
Mon interlocuteur demande alors au Patron si ses frites valent toujours autant le déplacement ou le détour, selon le cas.
Et le dit proprio de répondre quelque chose comme «Bien sûr qu’elles sont bonnes, nous faisons toujours les meilleures frites en ville mais comme les (nouvelles) pommes de terre se récolteront bientôt, elles sont quand même faites avec celles de l’an passé alors bien sûr, ce n’est pas la même chose que quand elles sont fraîches».
??????????????????????
Pour aucune raison (valable?), j’ai toujours pensé que les pommes de terre, comme la plupart des légumes et fruits maintenant, se récoltaient à l’année -ou presque-, peu importe la façon de le faire.
Et je n’ai surtout jamais vraiment pensé qu’on pouvait conserver des pommes de terre pendant un an… Ou alors je ne me suis simplement jamais posé la question!
Hmmmmmmmm.
Le genre de découverte apparemment très banale, mais qui moi, m’a ramenée presque 30 ans en arrière, quand mes grands-parents me racontaient des histoires de chambre froide, et de légumes conservés ainsi très longtemps. C’est quand même quelque chose de rassurant, non?, et qui nous ramène un peu aux vraies choses (de la terre), on dirait.
À peine revenue de mes émotions, j’ai eu le plaisir d’en faire une autre, de découverte, intimement liée à la première mais tout à fait inattendue et formidable, celle-ci: quand on se donne la peine (et le savoir-faire, probablement), on peut faire (et donc, par conséquent: déguster) d’excellentes frites avec de vieilles pommes de terre!
Merci Mr R, pour un si agréable repas, une fois de plus, mais aussi et surtout pour toutes ces choses que vous m’apprenez ainsi, chaque fois!