Catégorie : Un bon film, un!

21 grams

Il y a des films qui vous intriguent. Des films qui retiennent complètement votre attention. D’autres qui vous dérangent. Celui-ci appartient aux trois catégories en même temps, et plus spécialement à la dernière. Et il vous rentre dedans (comme très peu l’ont fait pour moi).
Chassé-croisé d’histoires tragiques pour certains, et plus heureuses pour d’autres.
Mais chacune étant indissociablement liée, à la source ou la conséquence l’une de l’autre. Dans tous les cas, des situations extrêmement complexes et chargées d’émotions. Avec comme point de départ un accident, qui a des répercussions sur les vies de plusieurs personnes, de façon diamétralement opposée.
Le montage appuie et ajoute un certain suspense. C’est une lente découverte des événements, dans le désordre, mélange de temps réel et de retours en arrière.
Mais l’intérêt premier de ce film, pour moi, est ailleurs. Je garde en tête une scène, en particulier. Impossible pour moi de l’oublier. Fascinant exemple de réalisme, d’intensité et de l’atmosphère incroyablement trouble qui est maintenue tout au long du film. Je ne vous raconte pas l’histoire, ni le contexte. Sean Penn et Naomi Watts sont dans une cuisine et cette dernière éclate subitement, explose, n’en peut plus. Je ne me souviens pas de m’être sentie aussi mal à l’aise. Comme d’assister réellement à une telle scène et d’avoir juste envie de se retrouver aussitôt n’importe où, mais ailleurs.
Naomi Watts et Sean Penn y sont tous deux à couper le souffle. Je ne comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi Sean Penn n’a pas reçu le Oscar de l’interprétation masculine pour ce rôle (au lieu de celui qu’il tenait dans Mystic River). Histoire de politique, certainement!
Benicio Del Toro est plus grand que nature, ce qui, avec son physique, ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur. Il pourrait facilement tomber dans l’excès. Surtout en regard de son personnage, un genre de «Jesus freak» (excusez l’anglais). Il est étonnant, bouleversant. Et même attachant.
On apprendra au passage le pourquoi du titre. Détail intéressant qui vient boucler la boucle. Autre fait à mentionner: le côté très réaliste, très «cru» de ce film, qui est admirablement renforcé par la caméra, le plus souvent à l’épaule. Parfois dérangeant (beaucoup de mouvement), mais un effet très puissant sur le résultat final.
Réal.: Alejandro González Iñárritu (celui qui nous a donné, entre autres, «Amours chiennes/Amores perros»), É.U., 2003.

My life without me

Une copine qui a vu ce film tout récemment me l’a ramené en mémoire. Je l’ai vu l’an dernier. J’avais été très touchée par la sensibilité du sujet, du jeu des acteurs et la mise en scène de la réalisatrice.
Le point de départ n’est pas évident: Ann, une toute jeune femme -conjointe et mère de famille- apprend qu’elle est atteinte d’un grave cancer et qu’il lui reste 2 mois à vivre. De là, on pourrait s’attendre à des explosions d’hystérie et des débordements sur-dramatiques… mais il n’en est rien. Ann envisagera très vite sa situation, celle des siens, la fatalité de ce qui l’attend à très court terme. Elle décidera de vivre le temps qu’il lui reste le plus complètement et intensément possible, tout en préparant le vide qu’elle laissera inévitablement pour ses proches.
L’héroïne (car elle en est une, rien que par les choix qu’elle fera et qu’elle essaiera d’assumer, tant bien que mal, jusqu’au bout) est jouée par Sarah Polley (que l’on a vue dans quelques films d’Atom Egoyan). Renversante prestation. En fait, tous les acteurs-trices sont très bons, mais je me dois de mentionner plus particulièrement les deux petites filles de Ann, qui sont incroyables. D’une maturité et d’un réalisme très émouvants. Comme je suis fan et que je le trouve vraiment très très beau, je souligne enfin le rôle que tient Mark Ruffalo. Encore là, rien de drôle dans son personnage, mais beaucoup de sincérité dans son jeu.
Un film d’une rare justesse et d’une grande retenue, malgré le propos tellement difficile. Un bel exemple de ce que peut être (et devrait être, selon moi) un drame sntimental qui se respecte et ne fait pas dans le sensationnalisme gratuit (si souvent navrant).
Réal.: Isabel Coixet, co-production Canada-Espagne, 2003.
La réalisatrice a également fait l’adaptation cinématographique du livre à la base de ce film. Impressionnant résultat! (et qui donne très envie de lire le bouquin).

Kinsey

Petite anecdote en passant (pas le resto, un fait amusant!). Je suis allée voir ce film cette semaine avec Julie Pwune. En fait, nous étions deux à faire notre entrée -ensemble- dans la salle pour voir ce film… mais nous nous sommes retrouvés trois, à la sortie de celui-ci! Allez comprendre!?! (la vie nous réserve parfois bien des surprises!).
Nous avions envie de voir ce film depuis déjà un bon moment. Mais le côté potentiellement arride du sujet (une biographie/proche du documentaire) nous rebutait chaque fois. C’est la curiosité qui l’a finalement emporté, et nous en sommes bien contentes!
Liam Neeson nous offre une performance incroyable. Il est d’une éloquence, ce qui contraste merveilleusement bien avec le côté terre à terre et quasi-technique de l’homme qu’il incarne. Laura Linney est également excellente. Dans un registre beaucoup plus sobre, mais tout en nuances quand même (elle joue la femme du Dr).
J’ai beaucoup apprécié de connaître mieux l’histoire de cet homme, mais aussi de toute la génération et des moeurs dans lesquelles il a évolué. Un homme déterminé, têtu, assez froid. Mais en même temps si ouvert aux autres et possédant une réelle volonté d’aider les gens, de les faire évoluer. Un beau pari bien rendu, tant pour l’acteur que le réalisateur.
En partant des insectes, le professeur et zoologiste Alfred Kinsey étudie les comportements humains et surtout sexuels. Il fait des comparaisons et des rapprochements. Il pousse très loin ses recherches, toujours dans l’objectif avoué de faire avancer les connaissances scientifiques. Il a par la suite écrit deux livres très controversés sur les comportements sexuels masculins et féminins (basés sur les témoignages reccueillis lors de milliers d’entrevues qu’il a réalisées avec son équipe).
Le film démontre bien la différence entre la biologie, les pulsions, la sexualité et les sentiments, leur indissociabilité aussi, en même temps (et heureusement!?!). Le pouvoir qu’ont eu la religion, la culpabilité et la morale sur les générations qui nous ont précédés. Il nous illustre également la même dualité qui a régi le personnage et la vie de celui-ci. Ses contradictions, son insatiable curiosité, sa grande intransigeance.
Un film bien tourné, bien réalisé. Au montage simple mais intéressant. Très drôle par moment, qui nous surprend et nous fait longuement réfléchir. Sur ce passé si récent, mais tellement constrastant avec notre réalité actuelle en même temps. Et sur l’évolution future de notre société à ce chapitre. Du moins, on se le souhaite!
Réal.: Bill Condon, É.U., 2004.

Temporada De Patos

Un bon samedi soir de l’automne dernier, salle Parallèle de l’Ex-Centris, Festival du nouveau cinéma (quoi d’autre?). Avec super-Julie (Pwune) et son Denis de chum. Jusque là, tout va bien: je suis heureuse! – et le meilleur reste peut-être ENCORE à venir, me dis-je même (si cela se peut), toute excitée par la perspective!?!
Le film commence lentement. Une tour d’appartements résidentiels, dans un quartier industrialisé de Mexico (je crois). Environnement de béton. Appartement assez simple d’une famille à revenus moyens. Tourné en noir et blanc, mais riche en nuances (beaucoup de gris, il me semble!).
Tout au long du film les transitions se font en douceur, «fade in/fade out». Une caméra fixe, qui semble, comme le film lui-même, souvent arrêtée dans le temps. Je suis perplexe un petit moment, à me demander si j’aime vraiment, et même si je trouve déjà les personnages attachants, plutôt rigolos. En fait, je suis davantage curieuse que sceptique.
Tout le récit se passe dans cet appartement, avec quatre personnages qui n’ont apparemment rien à voir entre eux, rien en commun: le jeune garçon qui habite ce logement, un de ses ami, la voisine (qui vient faire cuire un gâteau) et le livreur de pizza (arrivé 30 secondes en retard – eh oui! même au Mexique, ils ont la formule livraison 30 minutes!). C’est le refus du livreur de quitter sans son argent et le refus des jeunes hommes de le lui donner qui est à l’origine de ce drôle de groupe! Ils décident de jouer le tout quitte ou double, puis de petites histoires s’installent doucement entre eux et l’incident est oublié. Les dialogues sont drôles, simples. On rit de plus en plus. On ne sait trop ce qui arrivera ensuite.
C’est un gâteau «bien épicé» qui arrivera donc, «instigateur» inattendu d’une douce folie générale! Des fous rires, des expérimentations (et beaucoup de «munchies»!). Les sujets des conversations deviennent plus sérieux, propices aux confidences. Le déménagement de l’un, la peine d’amour de l’autre, la découverte mutuelle des deux derniers…
Un premier film très intéressant et inventif, avec des comédiens amateurs (et impressionnants). Qui parle -avec une légèreté apparente- d’amitié, de famille, d’amour et de rupture. C’est drôle, c’est touchant. C’est tout bon!
Réal.: Fernando Eimbcke, Mexique, 2004.

The Station Agent

Un tout petit film trouvé par un tout petit hasard à mon club vidéo. Comme c’est souvent le cas, mon plaisir et mon appréciation en furent inversement proportionnels…
Littéralement une petite tranche de vie, celles de trois personnes qui se retrouvent au même endroit (perdu) pour aucune raison apparente et dont les talents pour la vie sociale et l’amitié ne laissent guère présager d’affinités: un homme de petit taille passionné par les trains (Fin/Peter Dinklage), une femme, artiste, ex-épouse et ex-mère (Olivia/Patricia Clarkson) et un homme/fils responsable, d’origine latine et plutôt bavarde (Joe/Bobby Cannavale)! Dans le nulle part -Newfoundland/le New Jersey profond-, autour d’une ancienne gare. Prélude à trois solitudes, qui seront peut-être partagées…
Ce n’est que ça, l’histoire mais c’est aussi tout ça: leur rencontre, leur apprivoisement, leurs peines et leurs misères, leurs joies et leurs colères et un début de rapprochement à travers ceux-ci. C’est tout simple mais c’est vraiment touchant, c’est très beau. C’est triste et parfois drôle. Ça nous reste en tête (et en plein cœur) pendant un certain temps après…
C’est aussi ça, parfois, un bon film: c’est simple et courageux.
Réal.: (et scénariste) Tom McCarthy, É.U., 2003