Mois : décembre 2004

Mensonges et trahisons (et plus si affinites)

J’ai tout de suite été charmée (tout comme ma copine cinéphile Julie), par le générique du début. Magnifique! Des illustrations animées très design, très stylisées, dans des teintes de rose, de blanc, de gris, de noir. Au look très urbain et branché (je sais, je sais, quel mot utilisé à toutes les sauces et un peu vide, finalement… mais je n’ai pas trouvé mieux, spontanément!). Avec les noms qui apparaissent et disparaissent à travers les images qui défilent. Belle entrée en matière.
La suite est à la hauteur! (je blague!). Je dirais que l’intérêt premier du film réside dans le sujet (les relations amoureuses d’hommes et femmes dans la trentaine, les remises en question professionnelles, leur définition du bonheur et leur quête pour y arriver -ou non-) mais surtout dans la façon dont il est traité. Faute d’être original, donc, le sujet est présenté avec tellement d’humour, d’auto-dérision, de simplicité (dans les plans, le discours), de savoureux dialogues, et à l’aide de démonstrations inventives et rafraîchissantes, je trouve.
Et le tout repose en énorme partie sur Édouard Baer et sa formidable prestation en écrivain qui ne s’assume pas. C’est plus qu’un rôle à sa mesure, on peut presque dire que le film a été conçu pour lui. Marie-Josée Croze est très crédible (en architecte intègre et intransigeante) et donne une performance somme toute assez sobre et terre à terre. Le duo Kevin et Claire (Clovis Cornillac et Alice Taglioni), qui partagent la vedette avec les deux premiers, est également drôle et convaincant. Campant des rôles beaucoup moins réfléchis et beaucoup plus «droits au but», aux coudées franches! Tout le monde s’y retrouvera un peu, quelque part, soit à travers un personnage ou un autre, dans les travers d’un ou de plusieurs d’entre eux. Tellement universel, et c’est ce qui est drôle et attachant, qui nous rejoint et nous touche vraiment.
On parle de problématiques très sérieuses, mais de façon vraiment intéressante, très drôle, agréable même. Ce qui n’est pas toujours le cas, ça peut facilement verser dans la lourdeur. Et encore mieux: on ne se prend pas au sérieux. L’histoire avance sans qu’on sache jamais trop ce qui va arriver, un peu à la manière d’Édouard Baer et surtout propre à son personnage. La fin m’a plu. Une belle tournure d’événements. Et un peu d’optimisme sur l’avenir, ce qui est bienvenue. Le bonheur, faute de le vivre parfois, on a tous envie et même besoin d’y croire, non? Surtout quand c’est appuyé par la jolie voix de Carla Bruni…
Je retiens tout particulièrement l’explication ou plutôt l’origine de l’amour et des relations amoureuses selon Raphaël (EB). Caustiquement drôle comme théorie!
P.S. Valérie: tu me croiras si tu veux!, mais malgré le tout petit nombre de personnes présentes dans la salle pour la projection, Jul et moi nous sommes retrouvées assises derrière 2 jaseur-euse en puissance!!! incroyable (et de plus en plus!) mais vrai! soupir!!!
Réal.: Laurent Tirard, France, 2004.

Le decor – Stefie Shock

Le 2e cd de ce chanteur, compositeur et musicien. J’ai vu, revu et re-revu son premier spectacle (dont celui en première partie de Jean Leloup – un grand moment) et j’avoue avoir eu de grandes attentes pour le second.
Qui ne furent pas déçues. Les chansons (quoique un peu plus «accessibles», peut-être) sont plus «achevées», il me semble. Ou peut-être un peu plus fignolées? Les rythmes plus harmonieux, plus marqués. J’aime beaucoup les morceaux aux accents latins («Un homme à la mer», «Le décor», «L’amour dans le désert»). Un bel album qui s’écoute bien. Plutôt court (11 titres), mais on ne peut plus agréable. Un savant mélange de pop, de rock et de syntétiseur à la Plastic Bertrand, parfois. Ses textes sont intéressants, avec une poésie (relationnelle et sexuelle) plus légère.
J’aime sa façon de prononcer les mots (surtout les «R»), sa voix grave et simple, profonde. J’aime son intensité, son énergie communicative. Est-ce qu’on doit dire qu’il charle ou qu’il pante??? Pas clair! En tous cas c’est définitivement à mi-chemin entre la parole et la chanson, dans un univers qui lui est (de plus en plus) propre, mais qui emprunte inévitablement un peu aux Gainsbourg et Dutronc. J’aime aussi son côté un peu solennel ou sérieux mais intimiste en même temps. J’ai souvent l’impression d’être seule à écouter ses chansons… un sentiment un peu privilégié, on dirait.
Il est entouré de très bons musiciens. J’aime particulièrement la trompette, le trombone (dans «L’amour dans le désert», «Tout le monde est triste», «Le mile high club») et les percussions.
Je trouve que son petit air de pseudo-triste, pseudo-révolté, pseudo-je-m’en-foutiste lui va très bien, vient compléter harmonieusement le tout!
Sur Étiquette Atlantis, 2003.

Le gout du bonheur (trilogie)

Marie Laberge est l’Écrivaine des Sentiments. Des vrais! Ceux que l’on ressent, ceux que l’on exprime -bien ou mal-, ceux qu’on ne peut exprimer, les «refoulés» (et elle le fait alors à notre place et de façon magistrale). J’ai rarement lu des histoires aussi intenses à ce chapitre. Elle emprunte aussi au théâtre, probablement ce qui ajoute au côté réaliste et vivant de ses romans. J’aime vraiment beaucoup cette talentueuse écrivaine, à la plume assez inspirée, très visuelle, très très intense. Peu ou pas de chance de tomber sur un sujet léger, ou traité avec légèreté. Ici, on parle des VRAIES affaires. En long et en large. (D’ailleurs, elle doit achever sa sabbatique, non?!?! À suivre!)
Avec le 1er livre de cette trilogie, «Gabrielle», elle avait ouvert le bal, elle avait mis la table et campé ses nombreux et non moins intéressants personnages. Une histoire d’amour et de famille dans le Québec des années 30. Toute une génération (deux, en fait) remplie de personnages attachants et colorés, qui ont souvent la vie dure et caractéristique de ce cette période, aux destins et aux valeurs très différents. Elle nous laissait sur un drame, certes, mais aussi avec une ouverture sur ce grand petit monde qu’elle venait de créer: les enfants de cette famille (ceux de Gabrielle). Dans le 2e, «Adélaïde», c’est ce que l’on suit donc. Et pour le suivre, on le suit. Tout juste si on n’y prend pas part! Avec comme point central cette jeune femme sauvage et intègre (Adélaïde), la fille de Gabrielle. Et autour d’elle, ses frères et sœurs, son père, ses cousines, ses tantes, ses amis, connaissances, ses amours aussi. Et le beau Nick. Sur fond de 2e Guerre mondiale.
J’ai mis beaucoup de temps à embarquer dans «Gabrielle», mais une fois fait, je l’ai littéralement dévoré et me suis retrouvée en arrêt forcé et en suspens, attendant la parution du second. Sûrement un très bon coup de marketing, mais un petit peu frustrant quand même pour le lecteur, il m’a semblé. «Adélaïde», c’est à se demander si je l’ai effectivement lu?, tellement j’y ai plongé pour en ressortir -à de rares et courtes occasions- me permettant de travailler, me ravitailler, et dormir un peu. Au cas où vous ne l’auriez pas lu, je ne vous raconterai pas la fin, mais je suis obligée de préciser que, comme ma copine Sophie P, si j’avais rencontré Marie Laberge dans les jours suivant la fin de ma lecture… j’eus été obligée de l’insulter avec véhémence (parce que je suis contre la violence et que je n’aurais donc pas pu la taper! Mais l’envie m’aurait habitée quand même…ok!, j’exagère!). Mais quelle espèce de fin plate, VRAIMENT trop plate, qu’on voyait venir en se disant «elle ne nous ferait pas ça, elle ne nous ferait JAMAIS ça, voyons!?!», une fin sur-dramatique et décevante. Probablement suis-je un peu intense moi-même?, et qu’il s’agit plus d’une déception personnelle???… Enfin, que de frustration, bon!
«Florent», la suite et fin, j’ai eu longtemps envie de le bouder, mais comme ce n’est pas dans ma nature, j’ai (encore) attendu jusqu’à novembre de la même année et me le suis procuré. Mais j’ai certainement été trop éprouvée par le précédent, ou alors le dernier n’était pas à la hauteur des deux autres. Peu importe, j’ai décroché et je ne l’ai même pas terminé. Mais ma copine Martine (qui raconte si bien!) m’a résumé la chose. Et je l’en remercie encore, en passant. Moi, je n’avais plus envie. Plate, hein? Apparemment, ça arrive. Et cela n’enlève rien à l’ensemble de l’œuvre et aux grands moments qu’elle m’a fait vivre…
Aux Éditions du Boréal, Gabriel en 2000, Adélaïde en avril et Florent en novembre 2001.

Sho Dan

Hier, c’était presque jour de fête. Pas OFFICIELLEMENT (puisque j’avais du boulot et que c’était lundi), mais amicalement et gastronomiquement, disons. J’ai pris quelques heures de pause en mi-journée, qui furent des plus agréables et me firent le plus grand bien.
Ma championne préférée étant de passage en ville, nous nous sommes données rendez-vous au sushi. Chez Shô Dan, au centre-ville. Comme je ne travaille plus dans le coin, il y avait longtemps que j’y étais allée. Et à chaque fois j’ai la même réaction: ciel que c’est bon! J’ai quelques autres restos dans le genre que j’affectionne particulièrement, mais celui-ci a donc ses spécialités qui le rendent unique pour moi. Et qui sont tout à fait délicieuses et emballantes, je dirais!
On s’est payé la traite, comme on dit! À commencer par la pizza (trop bonne! croûte tempura avec saumon, sauce épicée et oeufs de poisson), puis le twister (genre de rouleau de poisson légèrement frit, tiède, également servi avec sauce), le carré de thon (dont j’oublie le nom exact – désolée!), le Roméo et Juliette (avec ananas et bleuets) et mon traditionnel/préféré: le Kamikaze. Avec thon à queue jaune et saumon en sashimi. Sans oublier ma petite omelette-pointue-qui-goutte-un-peu-le-vin! (visiblement, il ne s’agit pas là du nom scientifique). On s’est fait plaisir à pleines bouchées et à pleines dents (mais à plein portefeuille aussi, par contre… une fois de temps en temps n’est pas coutume, comme on dit!).
Et ça, pour moi, ça fait partie des GRANDS petits bonheurs de la vie. Une bonne bouffe bien savoureuse, en échangeant sur tout et sur rien avec une copine. Moment de grâce pendant lequel le temps (et la routine/les problèmes) semblent se suspendre, s’arrêter. Aaaaaaaaaaaah! Merci la vie, qui fait souvent si bien les choses!
2020, rue Metcalfe, entre Sherbrooke et Maisonneuve.

Elephant

En cette journée (encore et toujours) très particulière de commémoration des tristes événements de Polytechnique -il y a de cela déjà 15 ans- j’ai eu envie d’élargir un peu le débat et de parler de ce film qui m’a tellement bouleversée. Non pas que je veux éviter de parler de femmes et de la violence qui leur est encore faite aujourd’hui (et très malheureusement), mais parce que plusieurs le feront et mieux que moi. Et comme il n’y a pas eu de films là-dessus me permettant de faire le pont, j’ai voulu simplement réfléchir à la problématique plus large des armes à feu.
J’ai vu «Elephant» l’an dernier avec ma copine Julie (Pwune). Un soir, au AMC Forum. Je m’en souviens comme si c’était hier. Il faisait froid et l’humeur était un peu sérieuse. Nous savions bien sûr à quoi nous attendre, mais malgré tout, le film nous a frappées en plein visage, de plein fouet.
C’est une réflexion, une vision librement inspirée des événements de Columbine. Et jouée par de jeunes comédiens tellement bouleversants. C’est tourné et monté comme un documentaire. Et c’est aussi ce qui est le plus difficile: la caméra est à l’épaule le plus souvent, très mobile, on suit les jeunes d’une école secondaire aux É.U. et ce qu’ils vivent. Leurs peines, leurs difficultés, leurs joies, leurs amours. Et leurs frustrations aussi, qui, malheureusement, vont dégénérer et aller très loin. Beaucoup trop loin. C’est tellement réel, tout ça, tant dans le traitement que la façon dont c’est amené. L’atmosphère du film s’alourdit progressivement avec le récit, et même si on connait l’histoire et que l’on sait ce qui va arriver, la peur et l’effroi nous étranglent et nous sommes pris dans ce drame social si terrible de vérité, de réalité, de violence. Il y a un contraste intéressant aussi entre le rythme du film qui s’accélère et le temps qui semble en même temps s’arrêter, être comme en suspens devant la gravité des événements.
Je me souviens que nous en sommes ressorties bien troublées, bien émues, et avec un gros sentiment de peur et de désarroi. Je me souviens aussi qu’en nous rendant à la voiture, un automobiliste a écrasé un quelconque déchet sur la rue près de nous, faisant un bruit telle une détonation, et que nous avons failli nous lancer parterre tellement on a eu peur. Bien sûr, il n’y avait aucun danger ni rien de grave, mais qu’est-ce que ça nous a fait réfléchir et ça nous a secouées, ce film.
Quand j’ai entendu ce matin Marc Laurendeau (à «C’est bien meilleur le matin»/Radio-Canada) expliquer qu’il y aurait vote à la Chambre des Communes cette semaine et que le registre des armes à feu risquait donc de disparaître parce que, apparemment, trop cher à maintenir et surtout parce que très mal géré… j’ai eu un soudain haut le cœur. Et un genre de sentiment un peu confus, fait de découragement, de lassitude, de peur… mais surtout pas de résignation. Il a fallu beaucoup de détermination et d’énergie à plusieurs personnes courageuses et déterminées pour partir cette initiative, de grâce, ne nous fermons pas les yeux en prétextant des problèmes d’argent. Ce tout petit moyen de garder un minimum de contrôle sur les armes et ceux qui les possèdent est selon moi essentiel. Ça me fait froid dans le dos de penser qu’on risque de se l’enlever collectivement, pour des prétendues questions de sous. Parce qu’à mon avis et tout bêtement: la vie n’a pas de prix. Point.
Réal.: Gus Van Sant, É.U. 2003