Nouvelle entendue aujourd’hui dans quelques médias. Apparemment le projet est dans l’air. Celui de faire des tragiques et consternants événements de Polytechnique, un film. Apparemment aussi, la comédienne Karine Vanasse est associée au projet, tant comme comédienne que productrice-associée (si je ne m’abuse).
Sur le coup j’ai eu comme un haut le coœur. Et spontanément, je me suis dit «encore un autre drame humain que l’on va exploiter». Et que c’était une bien bizarre d’idée. Que toute l’horreur qu’ont vécue ces femmes et les gens autour d’elles ce jour là sont beaucoup trop graves pour en tirer profit. Ou pour simplement assouvir notre soif, toujours plus grande, de tout voir -même les pires choses-, celles qui sont les plus violentes et les plus gratuites. Où s’en va donc notre belle société, et sa morale (ou sa décence?) de plus en plus élastique?
Un peu plus tard dans la journée, quand j’ai encore entendu parler de cette histoire, je me suis mise à réfléchir davantage. À me demander qu’est-ce qui pouvait bien motiver une telle initiative? Et à tourner et retourner, dans ma tête, les questions qui émergent inévitablement autour d’un tel débat: est-ce que c’est sain, comme projet? Qu’est-ce qui est sain -et qu’est-ce qui ne l’est pas? Où commence la vie privée et surtout, quelles en sont les limites ultimes? Ou s’arrêtent nos libertés (et nos droits/responsabilités) individuelles et collectives? Qu’est-ce qui entre dans la catégorie voyeurisme, ou non? S’agit-il d’un prolongement du mouvement de plus en plus répandu et qu’on appelle la télé (ou la ciné?) réalité?
Bien évidemment, je n’ai pas de réponses à toutes ces questions. Je n’ai que d’autres questions, quelques opinions très personnelles mais surtout, comme il s’agit d’un sujet d’une extrême difficulté et tellement chargé d’émotivité… je pense qu’il n’y a pas vraiment de réponses. Ou de réponses valables, disons. Au sens de rationnelles, logiques, intelligentes.
La seule chose qui me semble pouvoir donner un sens à un tel projet serait qu’il vienne en aide (d’une quelconque façon) ou qu’il apporte un certain soulgement ou même une sorte d’exorcisation de ces drames pour les survivantes, les familles des victimes, les témoins impuissants. Là, au moins, je pense que, tout bouleversant que puisse être ce film (et je ne vois pas comment il pourrait en être autrement), il aura un rôle à jouer dans tout ça. Un genre de pertinence.
Je me suis même surprise à aller un peu plus loin en me disant qu’un tel projet devrait nécessairement venir en aide aux femmes victimes de violence, par exemple. En leur donnant une partie des profits (si profit il y a). Je ne sais pas, mais ça me semblerait important.
L’avenir nous dira donc ce qu’il en sera (plus tôt que tard… au moment d’écrire ces lignes je n’ai pas eu d’autre échos). Entre-temps, une autre question me trotte toujours en tête, beaucoup plus pernicieuse celle-ci: si effectivement ce projet voit le jour, que le film est fait et que les victimes (celles qui sont toujours en vie) y voient là un sens… est-ce que donc j’irai le voir?
Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Aujourd’hui, je ne pense pas que j’y serais allée. Demain… on verra rendu là!

3 Comments on 6 decembre 1989

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