Catégorie : De mes yeux vu

Seinfeld

Quand la série est sortie à la télé, initialement, je n’y ai pas porté attention. Ou à peine. En fait, comme j’écoute assez peu la télé, je ne m’y suis pas attardée, me disant que c’était probablement bien, mais sans plus. MY GOD! C’est l’équivalent, comme dirait ma maman, de se rentrer un doigt dans l’oeil, jusqu’au coude (ouchhhhhh!?!).
Depuis, j’ai entendu critique élogieuse sur commentaire très positif, de la part des gens autour de moi. Autant d’éléments pouvant créer de grandes attentes et donc, d’encore plus grandes déceptions, le cas échéant.
Mais il n’en fut rien… qu’est-ce que ça me fait rire, moi, cette série!
Je l’ai donc découverte sur le tard, comme on dit, puis j’ai eu (et j’ai encore) le bonheur de m’en délecter en rafales, sur dvd (un double bonheur, donc). C’est d’ailleurs un ami (lien) qui m’a donné le goût de m’y plonger sérieusement et a même fait office de «pusher» officiel, pour la saison 4 (je l’en remercie encore…).
C’est, en théorie, d’un banal assumé, ce qui est en fait à l’origine même -sinon la base- du succès de la série. Et c’est, en pratique, tellement dérisoire, ironique, prévisible autant que jouissif de l’être. C’est tout bon, quoi!
George (fabuleux Jason Alexander), ce formidable George, à la chicheté proportionnelle à son pathétisme, lui même total et absolu… deux attributs qui en deviennent, dans ce cas précis, sinon de franches qualités du moins de formidables travers, drôles et attachants.
Elaine (exquise Julia Louis-Dreyfus), cette dynamique «fille de la gang», l’ex mais aussi le «sound board», l’énergique «get-out-of-here» à deux mains, aux mimiques buccales, et au regard, tellement caractéristiques. Elaine la copine par excellence, la vraie fille parmi les vraies filles, la solide représentante du sexe faible!
Jerry (joué par lui-même), le seul et l’unique, le très drôle stand-up comic, qui vient justement mettre le doigt sur les tous petits riens de la vie qui nous fascinent tous, mine de rien, et dont on se délecte de constater l’universalité de la chose. Jerry qui tique sur des pacotilles, mais des pacotilles de première classe. Le charmant et charmeur, éternel insatisfait.
Kramer (étonnant Michael Richards), le grand voisin qui ne ressemble à personne et à rien, un peu trop hystérique ou caricatural à mon goût (c’est à peu près le seul personnage qui m’énerve -UN TANT SOIT PEU- à l’occasion). Mais dont l’intégrité n’a d’égal que son originalité. Et le mot est faible…
Et tous les autres personnages qui gravitent autour de ce petit -et magnifique- groupe d’irréductibles célibataires. Sans oublier ceux qui s’ajoutent, le temps d’un ou deux épisodes, l’espace d’une nouvelle rencontre, elle-même sujet, généralement, à une nouvelle mine d’or de moquerie et de rigolade.
Des travers tellement humains, des petites bibittes que nous avons tous -mais sublimées, on s’entend- des manies, des obsessions, le sens du ridicule puissance 10. Et tout est assumé. Tout. Certainement une autre grande partie du succès de la série.
D’épisodes en séries, qui se suivent et se ressemblent, tout en se renouvelant chaque fois. Fascinant de voir comment on peut faire une émission complète sur si peu (une salle d’attente dans un resto, un patient bizarre dans un hopital, une nouvelle conquête qui a un drôle de rire, une personne qui ne s’est pas mis le doigt dans le nez en conduisant sa voiture, rien n’y échappe).
C’est certainement la simplicité du traitement, l’intelligence des dialogues et l’autodérision à outrance qui rendent, pour moi, cette série si formidable. Et les décors, du télé-théâtre comme on n’en fait plus, qui ajoutent à la familiarité et au sentiment d’appartenance ou de complicité que l’on ressent si rapidement.
Comment faire de l’insignifiance d’un sujet (en apparence, cela dit…), un épisode éclaté et délirant à souhait??? Là est la question. Et Seinfeld nous en a donné la réponse. Grand bien nous en fasse.
Et que dire des regards entendus, des sourires, des fous rires à peine retenus, qui nous confirment la complicité et le grand plaisir évident qu’ont les protagonistes à commettre cette série collectivement, pour notre plus grand bonheur?!?
Et comme les bonnes nouvelles n’arrivent généralement pas seules… je n’en suis qu’à la 5e série! Que j’amorce à peine…
Plaisir, quand tu nous tient… (ne nous lâche pas, je t’en supplie!!!).
Réal.: Divers réalisateurs (dont Andy Ackerman et Tom Cherones), concept: Larry David et Jerry Seinfeld , séries I à IX, de 1990 à 1998, É.U.

Transamerica

Quand des critiques utilisent des expressions du genre «porter un film sur ses épaules», je me dis toujours que oui, bon, le ou la comédien(ne) est effectivement très talentueux(se)/très bon(ne) dans son rôle, mais qu’il ne faudrait quand même pas exagérer.
J’ai quelque peu changé d’idée en voyant ce film, porté largement sur les délicates mais ô combien solides épaules de la principale protagoniste, Felicity Huffman.
Elle est époustouflante dans ce rôle. Cette comédienne au demeurant si féminine, charmante, jolie (la maman des triplets hystériques dans «Desperate Housewives»), nous livre ici le rôle on ne peut plus convaincant d’un transexuel, une semaine avant son opération (qui complètera son changement de sexe masculin au féminin) et qui apprend tout à coup qu’il a un fils. Une nouvelle qui viendra tout chambouler ses plans mais aussi ses croyances et sa vision de la vie.
On ressent le malaise de l’homme pris dans son propre corps alors qu’il n’est et qu’il n’aspire qu’à être la femme qui est enfouie au plus profond de lui-même. Depuis si longtemps. Sa voix, sa maladresse, ses manières gauches, sa démarche inégale, tout est crédible. C’est vraiment une performance enlevante.
L’histoire n’est pas sensationnaliste, ni démesurée, ni spectaculaire. C’est un scénario qui se veut plutôt «ordinaire», pour un sujet qui ne l’est pas encore. Mais le traitement est sobre, intelligent, tellement humain. À quelques moments, les personnages sont un peu surréalistes (comme les parents de Stanley/Bree), mais le traitement sobre permet de ne jamais décrocher, d’y croire, de se laisser transporter.
Un film très touchant sur l’amour, l’amour propre, l’amour filial, le besoin et la recherche d’amour. Et sur l’acceptation et l’appartenance. Un «road movie» plein d’humour et de tendresse, qui fera voir du pays -et de toutes les couleurs- au «père» et son fils.
Réal.: Duncan Tucker, É.U., 2005.

Brokeback Mountain

J’ai vu ce film il y a déjà plusieurs semaines, mais je pense que j’avais besoin de le décanter un peu, avant d’en parler.
Un tout nouveau genre de film pour ce réalisateur que j’aime beaucoup. D’entrée de jeu, des longs plans, des silences, une atmosphère complètement nouvelle.
Un film d’une intensité dramatique quasi incroyable. Audacieux, aussi. Un scénario si dramatique et bouleversant. L’histoire d’amour entre deux hommes, cowboys de surcroît, dans le sud des États-Unis qui plus est (ça n’arrête pas, les bonnes nouvelles) au début des années soixante. En tous cas, une très belle et grande histoire d’amour. Qui m’a complètement renversée.
Beaucoup diront que, suite à la rencontre de Jack (Jake Gyllenhaal) et Ennis (Heath Ledger), leur première vraie «connection» arrive excessivement vite et de façon un peu précipitée, disons, vs le rythme du début. Moi, j’aime à penser qu’il s’agit d’un bref résumé/condensé de tout ce qu’ils ont vécu, en fait, puisqu’on ne peut raconter le tout en temps réel, c’est bien évident. Nous suivrons ensuite leurs destins respectifs -et parallèles- sur plusieurs années.
Les deux hommes sont très, très bons comédiens (leurs deux femmes aussi, d’ailleurs, jouées par Anne Hathaway et Michelle Williams). L’un joue l’amoureux, et on ressent tellement ce qu’il vit, ce qu’il tente si fort de retenir dans ses sanglots étouffés et ses déchirements intérieurs. Tellement d’amour et de déchirure dans cette scène incroyable où, après leur séjour en montagne, ils se séparent et Ennis doit s’arrêter dans une petite ruelle, écrasé par la douleur, dévasté, changé, révélé à lui-même et sa désormais dualité/réalité. L’autre, Jack, un homme amoureux, certes, mais très intense (trop?) et surtout très très exigeant, et sexuel.
Une histoire d’amour très atypique. Un film courageux, qui nous amène à des nouvelles frontières tout en nous confrontant avec nos propres limites -s’il y a lieu- ou celles de la société, il n’y a de cela pas si longtemps encore…
Réal.: Ang Lee, É.U., 2005.

Capote

Le premier film de ce réalisateur (déjà prometteur), qui fait partie de ma cuvée FNC 2005. Avec le brillant Philip Seymour Hoffman. Qui devient, avec chaque nouveau film, encore meilleur, si cela est possible. Et apparemment, ça l’est! Et je continue d’être impatiente -et séduite- chaque fois. Quel talent et quelle large gamme de rôle il arrive à tenir. Fascinant.
C’est l’histoire entourant les événements à l’origine du livre «In Cold Blood» de Truman Capote, le célèbre écrivain américain, soit les meurtres sordides de toute une famille dans un petit village du Kansas. Et la relation très spéciale qu’il initiera, et développera, avec un des présumés meurtriers. Entre la fascination malsaine, les jeux et l’abus de pouvoir.
Je regrettais de ne pas m’être renseignée sur le personnage avant le visionnement, car je n’étais pas en mesure d’évaluer pleinement son interprétation de l’homme. Par contre, au-delà de son interprétation, sa prestation n’en demeure pas moins très forte, dérangeante, convaincante, tellement intense.
Si Capote était imbu de lui même, très efféminé, prétentieux, suffisant, malhonnête, égocentrique et à la limite de la perversion… alors oui, il a -de plus- bien rendu le personnage qu’il interprète.
La caméra est à la fois froide (au sens de spectatrice, peut-être?) et intime, nous permettant d’entrer dans le récit et d’assister avec un intérêt constant et soutenu à la suite des événements. Que je ne connaissais que vaguement, mais ce que je n’ai pas regretté, cette fois. C’est intrigant et dérangeant, comme histoire.
Tous les comédiens sont puissants et convaincants. Spécialement Catherine Keener (qui joue l’assistante et amie de Capote), Clifton Collins Jr. (un des meurtriers) et Chris Cooper (le formidable et intègre détective qui mène l’enquête).
P.S. Entre le moment où j’ai écrit ces lignes et celui où je les publie, Philip S.H. a remporté le Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique. Cela me semble bien mérité…
Réal.: Bennett Miller, É.U., 2005.

Joyeux Noel

Un film basé sur des événements réels survenus la veille de Noël pendant la Première Guerre Mondiale.
En peu de mots, un film très émouvant. Difficile de savoir ce qui est réellement arrivé vs les parties plus romancées, mais au total, une histoire vraiment touchante.
Où même dans l’absurdité de la guerre (et de la religion), l’humanité et le respect existent toujours entre les hommes qui la font, de gré ou de force, par principe ou par obligation.
On se retrouve dans une tranchée en France opposant deux clans alliés, les Écossais et les Français, contre les Allemands. Les combats habituels se déroulent donc jusqu’au soir du 24 décembre, où, presque spontanément, ou peut-être par instinct (ou volonté) de survie, généraux et soldats décideront de suspendre, l’espace de quelques heures, les hostilités. Et ils fraterniseront, contre toute logique et surtout, toute attente. Mais avec tellement de volonté, de sincérité. Une belle histoire d’amour, aussi, entre deux chanteurs d’opéra, entre pères et fils, entre frères de sang ou de conviction.
Les comédiens sont enlevants, spécialement Daniel Brühl («Goodbye Lenin» et «The Edukators») ainsi que Guillaume Canet. Ils arrivent à nous rendre crédible leur rôle dur et intransigeant de général dans leurs armées respectives, de même que celui d’homme, de père et/ou de mari, qui est sous-jacent mais si présent par ces temps difficiles. La musique (principalement de l’opéra), vient ficeler le récit et permet d’exprimer une grande partie de l’émotion qui en ressort.
Seul vrai petit «hic», à mon avis: les deux comédiens qui jouent le rôle du couple de chanteur d’opéra mais qui font très visiblement du simple «lipsync», ce qui est énervant, je trouve. Je me demande toujours pourquoi ils n’ont pas pris de vrais chanteurs mais bon, qu’est-ce que je connais là-dedans!?!
Un film qui redonne tout simplement confiance en la race humaine, qui est parfois capable de belles et grandes choses, quand elle s’en donne un tant soit peu la peine.
Bien sûr tout ceci ne sera qu’un bref intermède, qu’une toute petite lumière dans toute l’horreur de la guerre qui continue encore aujourd’hui, mais un intermède qui aura fait histoire et dont on aura longtemps envie, je l’espère, de se souvenir.
Réal.: Christian Carion, France/Allemagne/Angleterre, Belgique/Roumanie, 2005.