Mois : décembre 2005

Le Cordonnier

La semaine dernière, j’ai cherché pendant plusieurs minutes l’adresse d’un bon cordonnier, idéalement dans mon coin, pour faire retaper mes belles bottes sexy qui s’usent trop vite.
J’adore aller chez le cordonnier! J’aime l’odeur du cuir, et ce genre de travail manuel, qui demande habileté et précision et qui, lorsque bien fait, semble tenir du véritable miracle, me fascine. Et comme dans tout métier, tous les représentants ne sont pas nécessairement compétents, ou dignes de ce nom.
Celui que j’ai trouvé, à quelques minutes, en est un vrai – et un bon (je l’ai confirmé depuis!). Sa boutique sent bon le cuir, sur fond de produits de nettoyage et cirage (ce qui, avouons-le, est un peu moins inspirant, mais nécessaire!).
En venant rechercher mes bottes, redevenues belles, brillantes et comme neuves, je l’ai chaleureusement (et sincèrement) remercié, partageant mon désarroi voulant qu’il n’est pas facile de trouver un bon cordonnier dans son coin. «Un bon cordonnier tout court», m’a-t-il répliqué spontanément. «Et ça va être de pire en pire, parce qu’il n’y a plus de relève», conclut-il, mi-grave, mi-résigné. Je l’ai ensuite remercié, avant de quitter, songeuse.
Ses propos m’ont rendue un peu triste, car j’ai bien peur qu’il ait raison. Les métiers artisanaux de ce type sont probablement en voie de disparition, du moins à moyen-long terme. Mais c’est triste, non? Moi, j’aime savoir que, lorsque l’on fait attention à ses biens et que l’on veut les prolonger, ou même les recycler, il y a des gens compétents qui peuvent nous aider à le faire.
Mais c’est un art, qui se perd aussi, et un métier dont les conditions sont certainement très difficiles. Ce côté, je peux le comprendre. Mais je trouve triste le fait qu’il puisse bientôt disparaître. Parce que c’est un beau métier, humble, anynoyme mais tellement utile. Indispensable.
J’espère que, d’une façon ou d’une autre, il y aura un renouvellement dans ce genre de travail qui viendra en assurer la survie. En même temps, je suis peut-être un peu trop sensible, ou alarmiste!?! Peu importe, ça m’a touchée et j’ai eu envie de le partager.

Crash

Ça doit bien faire un an, jour pour jour, que je tente par différents moyens de voir ce film, chaque fois (de façon évidente!), sans succès. Mais cette fois-ci fut la bonne. Et je n’ai rien perdu pour avoir attendu, comme le veut l’expression consacrée.
À prime abord et de mémoire, je m’attendais à un film sur le racisme. En fait, il s’agit davantage d’un film sur les préjugés et les multiples et insidieuses formes qu’ils prennent. Chez tous et chacun, sans exception j’ajoute, car personne n’est malheureusement à l’abri de son propre jugement et de celui des autres.
C’est également un habile chassé-croisé d’histoires assez imprévisibles, qui nous démontre de façon très percutante l’effet que les gens peuvent avoir les uns sur les autres, de façon volontaire ou non, consciente ou non, préméditée ou non. On y prend également conscience à quel point la ligne est mince entre «tout va bien» et «tout bascule» subitement…
Il y a un tel climat de tension qui est habilement maintenu tout au long du film. Et à moins d’être voyant(e), je pense que l’on peut difficilement prévoir ce qui va se passer ensuite, car aucune logique n’est à l’origine de ces événements, tout comme les préjugés qui en sont généralement (et totalement) dépourvus.
Tous les comédiens sont bons, sont convaincants, nous entraînent dans le récit tête -et coeur- premiers. Comme je viens de dire tous, je dois donc préciser que ceci s’applique même à Sandra Bullock, qui n’est pas ma comédienne préférée, disons, dans un rôle assez inusité versus son registre habituel. Don Cheadle (qui joue un détective), Matt Dillon (un policier) et Thandie Newton (l’épouse d’un réalisateur) tiennent respectivement tous -et de très belle façon- des personnages remplis de nuances et de contradictions, ce qui fait partie intégrante de l’intérêt du scénario.
Le genre de film qui, pour mon plus grand plaisir, nous laisse un peu déstabilisé, qui nous remet en question et nous donne beaucoup de matière à réfléchir. Troublant, on peut le dire!
Réal.: Paul Haggis, É.U., 2004 (il a beaucoup écrit pour la télé précédemment, dont plusieurs épisodes de «Thirtysomething» et «Due South» et c’est également lui qui a écrit le scénario de «Million Dollar Baby»).