Catégorie : De mes yeux frequente

Visage retrouvé

Une pièce que j’ai vue récemment, jouée entièrement par l’extraordinaire Marc Béland.
D’entrée de jeu (virtuellement et littéralement), je me dois de lui faire mes excuses, au beau et si talentueux Marc, de même qu’à François, qui m’a fait le grand plaisir de sa présence ce soir là. Je déteste quand ce genre de réaction m’arrive! La pièce débute tout doucement, tout en silence, le personnage fait son entrée, et marche lentement vers nous, toujours en silence, vient se placer tout près, en avant de la scène. Un moment qui semble interminable, insaisissable, qui me met, moi, chaque fois un peu mal à l’aise et qui, du coup, provoque un fou rire (étouffé). Comme j’étais désolée! Heureusement, j’ai réussi à me contenir, et tout est rentré dans l’ordre, non sans peur et quelque misère, par contre… Mille excuses, donc, pour cette maladresse aussi involontaire qu’incontrôlable.
La pièce, c’est l’histoire dense et complexe de Wahab, petit garçon du Liban dont nous faisons la connaissance à 4 ans à peine. C’est son difficile et long périple qui le mènera jusqu’à Montréal, en passant à travers toute la gamme possible des événements et des conséquences qu’ils provoquent, tous plus sérieux et dramatiques les uns que les autres. De la guerre à l’apprentissage, de l’amitié à l’amour, des liens serrés de la famille à l’exil. La découverte de soi et des autres. Des marques profondes que tous ces passages provoquent sur nous et en nous. De la colère, la peur, la résignation, le refus.
La mise en scène est vraiment intéressante. La scène, d’abord, presque dénudée. Quelques accessoires ici et là qui marqueront les événements ou une transition. Des éclairages parfois sanglants, parfois voilés et doux, selon les propos.
Et un Marc Béland incroyable. Qui nous raconte cet enfant à travers les âges de magnifique façon. Qui nous permet d’y croire complètement. De cheminer avec lui. Marc Béland qui n’en finit plus de raconter, de vivre, de changer, de souffrir et même, de nous faire rire. Un jeu solide, simple, très convaincant. Impressionant.
À l’inverse de sa prestation, nous sommes restés sans mot dire. Même si j’ai parfois eu l’impression de ne pas tout bien saisir, cette histoire est d’une intensité telle qu’elle ne peut laisser indifférent(e). Du moins, ce fut le cas pour moi.
De Wajdi Mouawad, au Théâtre d’Aujourd’hui, mise en scène de Marcel Pomerlo.

Misto

J’y suis retournée tout récemment, après presqu’un an d’absence, si ma mémoire est bonne (et sans raison particulière, je précise).
Un classique du genre, pour moi (du genre italien un peu commercial et plutôt branché, disons). La bouffe est bonne, les serveurs sympathiques, le décor chaleureux et accueillant, les portions généreuses. C’est honnête, quoi!!! (je déconne, car je déteste ce mot, sur-utilisé à toutes les sauces, qui ne veut plus rien dire dans ce contexte, il me semble).
Nous avons commencé par partager une savoureuse -et toute simple- bruschetta aux poivrons rouges et fromage de chèvre.
Puis je me suis retenue à deux mains pour ne pas prendre mon éternel ravioli aux champignons avec sauce gorgonzola. En fait, comme l’amie qui m’accompagnait l’a commandé, elle, j’ai pu me contenter quand même en dégustant, très lentement, une belle grosse bouchée (merci encore!).
J’ai opté pour les pâtes avec crevettes marinées sur sauce rosée. Les crevettes éclataient de saveur sous la pression de mes dents. Une belle découverte. Nous avons arrosé le tout d’un bon rouge espagnol découvert récemment et que j’affectionne particulièrement, le «Mas Collet» (2002). Et comme le premier verre versé avait légèrement besoin de prendre l’air, notre serveur y est même allé (en bonus) d’un très joli spectacle de décanteur, de ses mains étonnamment habiles!
La clientèle a beaucoup rajeunie, par contre, il m’a semblé… et le niveau de la musique -et du bruit- se sont inversement élevés. Ou alors c’est moi qui vieillis!?!
Misto, 929 rue Mont-Royal est. Toujours préférable de réserver (même si on peut, comme nous, être chanceux à la dernière minute).

Si gentil Jonathan

Vendredi, c’était jour de grande neige et de grand vent. Et, malgré le fait qu’à chaque première tempête, année après année, les Montréalais (et plus particulièrement les automobilistes) semblent, contre toute attente -et toute logique?- avoir oublié la précédente, ce qui les amène alors à rendre cette journée encore plus difficile qu’elle ne devrait l’être, je dois avouer que c’était tout de même un fort beau spectacle à regarder, toute cette neige immaculée, venant recouvrir notre extérieur et l’habiller décemment pour Noël.
Wow! C’est certainement la plus longue phrase jamais écrite sur ce carnet. Un peu comme cette belle première tempête qui a presque accoté le record en centimètre qui remonte à 34 ans. Pas que je m’en rappelle! Non, moi, c’est Jonathan qui me l’a dit.
Je dois revenir un peu en arrière, soit à vendredi soir, sur le pas mal tard, quand je suis revenue chez moi, d’une soirée ayant très mal commencé mais qui, grâce à la magie de la bonne bouffe, du bon vin, des amaretto sour (c’est une longue histoire…!) et surtout, de la compagnie de ma super copine Pwune, s’est très très bien terminée. En débarquant du taxi, donc, je constate avec surprise -et une légère baisse d’enthousiasme- que mon véhicule est complètement entouré -que dis-je?- fortifié et «compacté» jusqu’aux fenêtres par de la belle grosse neige bien brune, dure et pleine de grumeaux, cadeau de l’efficace charrue, apparemment.
Je me suis donc dirigée vers mon grand lit si accueillant pour une beaucoup trop courte visite, je le savais déjà. Je devais me lever tôt, samedi, histoire de retirer toute cette formidable neige pour débloquer mon carosse et vaquer à mes divers occupations et engagements. Ce que je fis donc, l’enthousiasme de la veille en moins, et la fatigue en plus.
Je me suis attelée à la tâche, d’abord avec découragement, puis avec résignation et enfin, munie de l’énergie du désespoir. Bon, ok! J’exagère! Mais c’est toujours plus intéressant ainsi, non? Et en fait, je n’ai pas eu le temps de me rendre au désespoir car, tout à coup, j’entendis une jolie petite voix légèrement grave, sortie de nulle part, me demander calmement: «Voulez-vous que je vous aide, madame?»
Même si je ne m’habitue jamais au «madame», cette fois, c’est plutôt la question en soi qui a retenu mon attention -et mon intérêt-. «Euh… bien sûr! T’es sérieux? Tu veux m’aider à pelleter?», répondis-je, incrédule, tout en apercevant tout à coup une lumière au bout du tunnel (qui n’était plus un train en sens inverse!). Et donc, en échange d’une petite rémunération bien méritée, l’affaire fut conclue et Jonathan affairé, à mes côtés, à pelleter.
Je dois avouer très honnêtement avoir apprécié autant le coup de pelle que le geste, ou plutôt, la gentillesse derrière celui-ci. Jonathan est un charmant jeune homme de neuf ans, drôle, articulé, avec de bien belles valeurs, il m’a semblé. Il m’a présenté Félix, son petit frère, qu’il surveillait sans cesse du coin de l’oeil et dont il semble très bien s’occuper. Il m’a parlé de ce qu’il aime, de ce qui l’anime. Il était curieux, surprenament éveillé et mature, avec un niveau de langage qui m’a fait plaisir, et sourire. Sourire qui s’est ensuite transformé en un grand rire lorsque mon nouveau petit ami m’a regardé, les yeux tous grands écarquillés, la bouche ouverte, encore surpris d’apprende que j’étais en fait plus vieille que son père!!! Trop drôle!
Il a non seulement ainsi contribué à libérer ma voiture, permettre la reprise de mes activités mais également, du coup, à ensoleiller ma journée… et mon ptit coeur si épris d’entraide, de compassion et d’altruisme.
Je sais -et vous le savez vous aussi- je suis exaltée! Et puis tant mieux! Ça me permet de tout apprécier, au centuple.

Les reines

La dernière pièce du Théâtre d’Aujourd’hui, que j’ai vue récemment. Qui raconte l’histoire de femmes et aspirantes-à-la-couronne, qui se jalousent, se déchirent et complotent les unes contre les autres, tout un jour durant, étant donné la mort imminente du roi. L’histoire se déroule en Angleterre (Londres) en l’an 1483.
Dès les premiers mots, un constat s’est imposé de lui-même dans ma tête: TROP! Trop, beaucoup trop de texte, de paroles, de mots. Sans fin. Du début jusqu’à la fin, pour être précise. J’ai déjà assisté à plusieurs pièces de théâtre plutôt verbeuses, mais à ce point, jamais! Peut-être aussi en raison de la densité du texte qui vient ajouter à l’ampleur générale?
La pièce est portée, de majestueuse façon, par plusieurs comédiennes de talent (et de mémoire!) : Louise Bombardier (une comédienne très polyvalente, que l’on voit beaucoup ces temps-ci), Christiane Pasquier (que l’on avait pas revue depuis des lunes, toujours très bonne, dans un rôle vraiment de composition), Béatrice Picard (incroyable de noblesse), Louise Laprade (toujours aussi théâtrale et percutante). Et quelques autres comédiennes, également talentueuses, que je ne crois pas connaître.
Les décors sont, une fois de plus, simples et magnifiques. Un mélange entre un château et un donjon, sombre, avec des écrans et projections vidéo intégrés aux fenêtres, en arrière-plan. Vraiment intéressant. Avec des palliers, des étages, des escaliers, des descentes et des remontées.
La mise en scène est habile, pleine d’opposition et de contradiction, de mystère, à l’image des personnages qu’elle anime. Un des intérêts majeurs de la pièce réside dans le jeu des comédiennes, leur double-jeu, en fait, le leur et ceux que jouent leurs propres personnages, entre eux.
Théâtre d’Aujourd’hui, 3900 rue St-Denis. Texte de Normand Chaurette, mise en scène de Denis Marleau, saison 2005.

Le Cordonnier

La semaine dernière, j’ai cherché pendant plusieurs minutes l’adresse d’un bon cordonnier, idéalement dans mon coin, pour faire retaper mes belles bottes sexy qui s’usent trop vite.
J’adore aller chez le cordonnier! J’aime l’odeur du cuir, et ce genre de travail manuel, qui demande habileté et précision et qui, lorsque bien fait, semble tenir du véritable miracle, me fascine. Et comme dans tout métier, tous les représentants ne sont pas nécessairement compétents, ou dignes de ce nom.
Celui que j’ai trouvé, à quelques minutes, en est un vrai – et un bon (je l’ai confirmé depuis!). Sa boutique sent bon le cuir, sur fond de produits de nettoyage et cirage (ce qui, avouons-le, est un peu moins inspirant, mais nécessaire!).
En venant rechercher mes bottes, redevenues belles, brillantes et comme neuves, je l’ai chaleureusement (et sincèrement) remercié, partageant mon désarroi voulant qu’il n’est pas facile de trouver un bon cordonnier dans son coin. «Un bon cordonnier tout court», m’a-t-il répliqué spontanément. «Et ça va être de pire en pire, parce qu’il n’y a plus de relève», conclut-il, mi-grave, mi-résigné. Je l’ai ensuite remercié, avant de quitter, songeuse.
Ses propos m’ont rendue un peu triste, car j’ai bien peur qu’il ait raison. Les métiers artisanaux de ce type sont probablement en voie de disparition, du moins à moyen-long terme. Mais c’est triste, non? Moi, j’aime savoir que, lorsque l’on fait attention à ses biens et que l’on veut les prolonger, ou même les recycler, il y a des gens compétents qui peuvent nous aider à le faire.
Mais c’est un art, qui se perd aussi, et un métier dont les conditions sont certainement très difficiles. Ce côté, je peux le comprendre. Mais je trouve triste le fait qu’il puisse bientôt disparaître. Parce que c’est un beau métier, humble, anynoyme mais tellement utile. Indispensable.
J’espère que, d’une façon ou d’une autre, il y aura un renouvellement dans ce genre de travail qui viendra en assurer la survie. En même temps, je suis peut-être un peu trop sensible, ou alarmiste!?! Peu importe, ça m’a touchée et j’ai eu envie de le partager.