Catégorie : De mes yeux vu

Six Feet under

Je dois commencer par rendre hommage à mon ami John, qui a su tout de suite que cette série me plairait et le remercier chaleureusement pour ses talents de persuasion. Je me souviens d’avoir longtemps douté de mon intérêt, en regard du sujet principal/central (la mort/une petite entreprise funéraire familiale).
Juste en visionnant le pilote de la série (le premier épisode), j’étais séduite et même conquise (mais n’allez pas croire que je sois donc facile, car il n’en est RIEN!). Le générique, la trame sonore d’ouverture/fermeture, le canevas de base, les personnages et surtout les comédiens, la façon dont c’est filmé et présenté (montage) m’ont -en bloc- vraiment beaucoup intéressée. L’originalité du propos est disons… rafraîchissante (désolée, c’est le seul qualificatif que j’ai trouvé pour expliquer gauchement ma pensée dans ce contexte. «Prière» de ne pas y voir un jeu de mots boiteux ou déplacé!). Chaque épisode commence de la même façon (par le «départ» généralement accidentel et tragique -et parfois même un peu rigolo!- de quelqu’un-e). De là, plusieurs petites histoires gravitent et défilent, d’épisode en épisode, avec et autour de la famille Fisher.
Les auteurs/concepteurs ont donc réussi à créer une famille et des personnages très crédibles, colorés, attachants. Même les personnages antipathiques sont parfois attachants (je pense entre autres à l’énergique et désagréable propriétaire d’une grosse chaîne concurrente, Mitsy, si ma mémoire est bonne?). La mère est jouée de façon magistrale par une comédienne que je ne connaissais pas (Frances Conroy) et qui a remporté un Golden (bien mérité) pour sa performance l’an dernier. Nate, Claire, David (les enfants) sont tous vraiment très bons. Rachel Griffiths y est, à son habitude, une grande comédienne (dans le rôle de la blonde de Nate, jeune femme assez ouverte de corps et d’esprit).
Autre point très important: cette série n’a pas froid aux yeux! Elle aborde des sujets difficiles mais importants. Elle parle des VRAIES affaires. Ça s’engueule régulièrement, ça doute, ça se remet en question, ça déprime, ça juge et est jugé, ça se dépasse, ça grandit. Ça vit des petits et grands bonheurs, des petits et grands malheurs aussi (ça va souvent ensemble, faut croire!). Ça s’aime ou pas, mais ça s’assume généralement et de plus en plus! Et ça n’arrête pas! de l’action, il y en a! C’est intéressant de trouver une série qui parle autant de famille, de quotidien, de relations mère/fille, mère/fils, d’amour à tous les âges et à toutes les orientations, de questionnement, etc. Ça fait du bien, aussi. Et ça change des éternelles séries policières, de suspense ou de télé-réalité! (quoique je ne peux prétendre les connaître, dans ce dernier cas!).
6 Feet under (séries I et II). Et j’attends impatiemment la sortie en dvd de la 3e!

Mariages

Celui-là, je l’ai vu au FFM cet été, avec ma bonne copine Martine. On a passé un bon moment, on a bien rigolé! C’est le deuxième film de cette réalisatrice (elle a fait auparavant «Monique», que je ne connais pas), avec une impressionnante horde de comédien-nes: Miou-Miou, Mathilde Seigner, Jean Dujardin, Didier Bezace, Alexis Loret, Chloe Lambert, Lio, etc.
Un canevas de départ assez simple, mais déjà porteur de toute la complexité qu’il contient inévitablement (et telle une bombe à retardement): une journée, celle du mariage d’un tout jeune couple (dans la vingtaine), pendant lequel plusieurs autres couples explosent, se questionnent (dans la trentaine), se résignent ou tentent de se réconcilier (dans la quarantaine). Toute une journée, je vous le confirme! Prétexte aux règlements de compte, aux coups (en bas et en haut de la ceinture), aux bilans, aux changements de toutes sortes…
Les dialogues sont drôles et savoureux, avec plusieurs perles, dont une qui nous a fait vraiment rire (venant de Micky, jouée par Lio): «… Haaaa! la crise de la mi-trentaine: qui suis-je, où vais-je, qui suçais-je?»! Jean Dujardin est incroyable en trouble-fête désillusionné qui ne croit plus (ou n’a jamais osé croire?) à l’amour, avec ses maximes toutes plus grinçantes les unes que les autres. La bande-annonce et le générique d’ouverture en témoignent joliment. Mathilde Seigner (sa conjointe dans le film), lui donne solidement la réplique -et le change-.
Il y a beaucoup d’action dans la maison! (version internationale de «beaucoup de chicane dans la cabane»!) L’histoire se déroule principalement à la résidence de campagne de la mère de la mariée (jouée par Miou-Miou). C’est filmé de façon toute simple mais efficace. Tour à tour, on rit, on réfléchit, on compatit, on s’indigne (un peu!).
Seul (gros) bémol: la fin. En fait, l’avant-fin! Parce que la fin-fin, la dernière minute, c’est ok! Ouverture sur l’avenir, croisée des chemins, ça va. Mais les 10 minutes qui précèdent, ça dérape grave, c’est n’importe quoi! Comme le film sort cette semaine, je ne vous raconterai pas cette fin, mais quelle déception. Moi, j’aurais terminé le film avec l’aube, très simplement. Sans revirement de situation. Mais visiblement, la réalisatrice ne partage pas cet avis! Tant pis!
Réal.: Valérie Guignabodet, France, 2003.

La face cachée de la lune

J’ai vu ce film l’année dernière à Ex-Centris et j’avais (depuis) très envie de le revoir. Ce qui est déjà un très bon signe, non? (hihihi!)
Je me suis donc trouvé un petit moment en fin de semaine pour m’exécuter. Quel bon et surtout quel beau film. Les films de Robert Lepage sont toujours très élaborés et un peu complexes. Celui-ci (probablement mon préféré, mais j’aime pas mal tous ses films) est beaucoup plus qu’un film, c’est une œuvre. Du début à la fin.
Depuis le tout premier plan de l’intro, les images de la Lune, les parallèles avec l’homme et les repères historiques, j’étais sous son charme. Il y a une très belle histoire, celle de deux frères et de leur relation (ou plutôt manque de relation). Ça parle de contrastes, de recherche de soi, de mort, d’évolution, de différence, de rapprochement et d’acceptation. Et en même temps, de la Terre, de la Lune, de l’Univers, de la place que chacun occupe. Tout au long du film, les plans se succèdent, chaque fois différents, faisant le pont de façon magifique entre deux idées, deux séquences d’images. Le film est ainsi une suite de tableaux, tout en conservant le fil de l’histoire et nous guidant à travers elle. RL utilise tout plein d’icônes ou objets pour ce faire, comme la forme de la Lune, le hublot d’une fusée, celui d’une machine à laver, la lumière, les étoiles, etc. Il y a même plusieurs effets visuels assez réussis. C’est très beau et très recherché. Je suis convaincue que chaque plan a fait l’objet d’un grand travail, d’une recherche, du souci total du détail. Et le résultat est à la hauteur, tout comme la trame sonore qui complète bien le film.
C’est très drôle. Un humour tantôt absurde, souvent auto-dérisoire, caustique. RL joue les deux rôles principaux de façon magistrale. Je suis tellement impressionnée par tout le talent de cet artiste, c’est incroyable. Il campe aussi bien le frère aîné, éternel étudiant un peu déconnecté que son cadet, un homosexuel parvenu, égocentrique et menteur. Les dialogues, surtout ceux entre les deux frères, sont délicieux. Je n’ai pas vu la pièce de théâtre (malheureusement), mais je suis certaine que c’est une transposition vraiment réussie).
Les couleurs sont très belles, très vives. Et il joue à l’occasion avec le noir et blanc des (fausses) images d’archives versus la réalité. Mais chaque fois c’est pertinent, disons. Et c’est ce qui rend l’ensemble vraiment bon et intéressant.
Histoire apparemment en grande partie autobiographique. Je rie encore juste à penser au plus jeune frère, et sa célèbre «Je parle fort, et je ne suis pas ridicule»! (J’aimerais tellement que ça fasse partie des choses tirées de la réalité!!!).
Réal.: Robert Lepage, Canada, 2003.

Mensonges et trahisons (et plus si affinites)

J’ai tout de suite été charmée (tout comme ma copine cinéphile Julie), par le générique du début. Magnifique! Des illustrations animées très design, très stylisées, dans des teintes de rose, de blanc, de gris, de noir. Au look très urbain et branché (je sais, je sais, quel mot utilisé à toutes les sauces et un peu vide, finalement… mais je n’ai pas trouvé mieux, spontanément!). Avec les noms qui apparaissent et disparaissent à travers les images qui défilent. Belle entrée en matière.
La suite est à la hauteur! (je blague!). Je dirais que l’intérêt premier du film réside dans le sujet (les relations amoureuses d’hommes et femmes dans la trentaine, les remises en question professionnelles, leur définition du bonheur et leur quête pour y arriver -ou non-) mais surtout dans la façon dont il est traité. Faute d’être original, donc, le sujet est présenté avec tellement d’humour, d’auto-dérision, de simplicité (dans les plans, le discours), de savoureux dialogues, et à l’aide de démonstrations inventives et rafraîchissantes, je trouve.
Et le tout repose en énorme partie sur Édouard Baer et sa formidable prestation en écrivain qui ne s’assume pas. C’est plus qu’un rôle à sa mesure, on peut presque dire que le film a été conçu pour lui. Marie-Josée Croze est très crédible (en architecte intègre et intransigeante) et donne une performance somme toute assez sobre et terre à terre. Le duo Kevin et Claire (Clovis Cornillac et Alice Taglioni), qui partagent la vedette avec les deux premiers, est également drôle et convaincant. Campant des rôles beaucoup moins réfléchis et beaucoup plus «droits au but», aux coudées franches! Tout le monde s’y retrouvera un peu, quelque part, soit à travers un personnage ou un autre, dans les travers d’un ou de plusieurs d’entre eux. Tellement universel, et c’est ce qui est drôle et attachant, qui nous rejoint et nous touche vraiment.
On parle de problématiques très sérieuses, mais de façon vraiment intéressante, très drôle, agréable même. Ce qui n’est pas toujours le cas, ça peut facilement verser dans la lourdeur. Et encore mieux: on ne se prend pas au sérieux. L’histoire avance sans qu’on sache jamais trop ce qui va arriver, un peu à la manière d’Édouard Baer et surtout propre à son personnage. La fin m’a plu. Une belle tournure d’événements. Et un peu d’optimisme sur l’avenir, ce qui est bienvenue. Le bonheur, faute de le vivre parfois, on a tous envie et même besoin d’y croire, non? Surtout quand c’est appuyé par la jolie voix de Carla Bruni…
Je retiens tout particulièrement l’explication ou plutôt l’origine de l’amour et des relations amoureuses selon Raphaël (EB). Caustiquement drôle comme théorie!
P.S. Valérie: tu me croiras si tu veux!, mais malgré le tout petit nombre de personnes présentes dans la salle pour la projection, Jul et moi nous sommes retrouvées assises derrière 2 jaseur-euse en puissance!!! incroyable (et de plus en plus!) mais vrai! soupir!!!
Réal.: Laurent Tirard, France, 2004.

Elephant

En cette journée (encore et toujours) très particulière de commémoration des tristes événements de Polytechnique -il y a de cela déjà 15 ans- j’ai eu envie d’élargir un peu le débat et de parler de ce film qui m’a tellement bouleversée. Non pas que je veux éviter de parler de femmes et de la violence qui leur est encore faite aujourd’hui (et très malheureusement), mais parce que plusieurs le feront et mieux que moi. Et comme il n’y a pas eu de films là-dessus me permettant de faire le pont, j’ai voulu simplement réfléchir à la problématique plus large des armes à feu.
J’ai vu «Elephant» l’an dernier avec ma copine Julie (Pwune). Un soir, au AMC Forum. Je m’en souviens comme si c’était hier. Il faisait froid et l’humeur était un peu sérieuse. Nous savions bien sûr à quoi nous attendre, mais malgré tout, le film nous a frappées en plein visage, de plein fouet.
C’est une réflexion, une vision librement inspirée des événements de Columbine. Et jouée par de jeunes comédiens tellement bouleversants. C’est tourné et monté comme un documentaire. Et c’est aussi ce qui est le plus difficile: la caméra est à l’épaule le plus souvent, très mobile, on suit les jeunes d’une école secondaire aux É.U. et ce qu’ils vivent. Leurs peines, leurs difficultés, leurs joies, leurs amours. Et leurs frustrations aussi, qui, malheureusement, vont dégénérer et aller très loin. Beaucoup trop loin. C’est tellement réel, tout ça, tant dans le traitement que la façon dont c’est amené. L’atmosphère du film s’alourdit progressivement avec le récit, et même si on connait l’histoire et que l’on sait ce qui va arriver, la peur et l’effroi nous étranglent et nous sommes pris dans ce drame social si terrible de vérité, de réalité, de violence. Il y a un contraste intéressant aussi entre le rythme du film qui s’accélère et le temps qui semble en même temps s’arrêter, être comme en suspens devant la gravité des événements.
Je me souviens que nous en sommes ressorties bien troublées, bien émues, et avec un gros sentiment de peur et de désarroi. Je me souviens aussi qu’en nous rendant à la voiture, un automobiliste a écrasé un quelconque déchet sur la rue près de nous, faisant un bruit telle une détonation, et que nous avons failli nous lancer parterre tellement on a eu peur. Bien sûr, il n’y avait aucun danger ni rien de grave, mais qu’est-ce que ça nous a fait réfléchir et ça nous a secouées, ce film.
Quand j’ai entendu ce matin Marc Laurendeau (à «C’est bien meilleur le matin»/Radio-Canada) expliquer qu’il y aurait vote à la Chambre des Communes cette semaine et que le registre des armes à feu risquait donc de disparaître parce que, apparemment, trop cher à maintenir et surtout parce que très mal géré… j’ai eu un soudain haut le cœur. Et un genre de sentiment un peu confus, fait de découragement, de lassitude, de peur… mais surtout pas de résignation. Il a fallu beaucoup de détermination et d’énergie à plusieurs personnes courageuses et déterminées pour partir cette initiative, de grâce, ne nous fermons pas les yeux en prétextant des problèmes d’argent. Ce tout petit moyen de garder un minimum de contrôle sur les armes et ceux qui les possèdent est selon moi essentiel. Ça me fait froid dans le dos de penser qu’on risque de se l’enlever collectivement, pour des prétendues questions de sous. Parce qu’à mon avis et tout bêtement: la vie n’a pas de prix. Point.
Réal.: Gus Van Sant, É.U. 2003