Catégorie : De mes yeux vu

Parle avec elle

J’ai vu ce film pour la première fois à Paris, il y a quelques années. J’avais été tellement émue, remuée. Seul Almodovar -il me semble- peut ainsi raconter des histoires aussi tordues, en nous atteignant en plein coœur, nous séduisant à tout coup. Je l’ai loué tout récemment, histoire de valider le tout, à nouveau!
Tout ce que j’ai ressenti à ce moment m’est revenu encore une fois, intact (à part le petit engouement supplémentaire que m’avait donné Paris, peut-être! Quoique la mémoire est une chose formidable…). Almodovar maîtrise complètement les jeux de genres, d’amour, de passion, de folie. La fine séparation entre les deux derniers et les excès qui en découlent. «Parle avec elle» en est une autre brillante démonstration. Et peut-être la plus troublante, de par son sujet central.
Qui d’autre peut nous attendrir et nous faire accepter -que dis-je!?! endosser totalement- un genre de viol, au nom de l’amour total, inconditionnel et sans compromis? Qui d’autre peut nous présenter un suicide par amour, au nom de l’amour, nous le rendant complètement acceptable, à nous spectateur comme au principal éprouvé?
Deux hommes se rencontrent dans une clinique, chacun au chevet d’une femme dans le coma. De là se développe une étrange relation/amitié. Petit à petit on apprend ce qui les a menés là, et où tout cela les mènera ensuite… Avec deux des acteurs-fétiches du réalisateur, Javier Camara  [Benigno] et Dario Grandinetti [Marco].
Comme toujours, tous les personnages sont intenses, uniques, attachants. Un de ses rares films ne tournant pas autour du travestisme, mais dont la signature est tout de même indéniable. Plusieurs destins tragiques se croisent, se répercutant dans la vie de plusieurs autres. Que de tragédie, mais que de beauté et de sentiments dans tout ça. J’en ressors secouée, mais fascinée. Alomodovar vient toujours me chercher aux tripes…
Comme m’a rappelé Julie, j’avais également acheté la trame sonore à l’époque. Qui ajoute tellement à la gamme des émotions de ce film. Une petite pensée toute spéciale pour la fameuse prestation de la colombe («La paloma»), chantée du bout des lèvres et accompagnée à la guitare. Un moment très spécial et très émouvant du film. La musique est signée en grande partie par le compositeur Alberto Iglesia. Ici aussi, les arts ont une place de choix dans l’œuvre du réalisateur (théâtre, dance, musique).
Christine (ma sœur), avait ainsi résumé la chose, à l’époque: un Roméo et Juliette revisité par Almodovar, actualisé et élevé d’un cran en terme de complexité et d’intérêt. J’embrasse complètement cette analogie. Et j’ajoute que l’émotion ressentie y est proportionnelle.
Réal.: Pedro Almodovar, Espagne, 2001.

Garden State

Tranche de vie, en commençant: cette fois, c’est l’inverse qui m’est arrivé! J’ai loué ce film avec une copine -nous étions deux à s’installer confortablement pour le regarder-, mais je me le suis tapé toute seule (accompagnée, en background, des légers ronflements de Jani…!).
Garden State, c’est un beau petit film. Un film intelligent qui aborde des sujets assez sérieux (tragiques?), avec humour et même une certaine pudeur. Pour moi, c’est tout ce qu’une «comédie dramatico-romantique» a de bien -les sentiments, les émotions, ça parle de vraies choses, c’est tellement humain- mais avec, en moins, tout ce qu’elle a trop souvent de superflu et même DE TROP: l’exagération, l’invraisemblance, les excès de toutes sortes, la banalité-.
Andrew est un jeune acteur/serveur qui tente de réussir et gagner sa vie à Los Angeles. C’est un jeune homme intoxiqué, essoufflé, déconnecté, qui ne rêve, au fond, que de vivre sa vie, le plus normalement du monde (Andrew, joué par Zach Braff, qui a également écrit et réalisé le film). À la nouvelle de la mort de sa mère, il retourne dans son petit village natal. Il rencontre alors une jeune fille drôle, spontanée, courageuse, au quotidien trop ordinaire et qui n’aspire, quant à elle, qu’à autre chose -peu importe-, et qui ment régulièrement faute d’y arriver (Sam, jouée par Nathalie Portman). Une rencontre tellement douce, empreinte de simplicité. Tellement naturelle, aussi (comme on en rêve tous, probablement!?). Avec le très bon Peter Sarsgaard qui joue Mark, un ami d’enfance d’Andrew travaillant au cimetière. Un ami éclaté, désillusionné, d’une loyauté très touchante et plutôt suprenante. Andrew y retrouvera plusieurs connaissances, fera de surprenantes rencontres et surtout, fera face à son père, et au lourd destin qui les unit depuis si longtemps.
L’humour est parfois léger, parfois absurde, subtil. Tout au long du film, des répliques, des petits flashs, de petits clins d’oeil nous font sourire, rire, nous étonnent. Un humour quelque peu différent, amusant. On en fait pas trop. Juste assez! L’atmosphère est feutrée, suivant le rythme du récit. L’histoire, souvent incongrue, avance tout doucement, parfois même au ralenti, ce qui fait contraste avec la teneur des événements.
Chronique simple, mais très réussie, de deux vies somme toute assez opposées, mais qui ont tellement envie -et simplement besoin- de se rencontrer. Éloge du présent, du ici et du maintenant, des petits plaisirs vrais.
Réal.: Zach Braff, É.U., 2004.

Thomas est amoureux

Eh non! Ce n’est pas un genre de «film de filles» pour garçons! Au contraire! Malgré son titre un peu «rose», je dirais, c’est un film virtuellement innovateur, original et très intéressant. HA!
Un autre qui a quelque peu modifié mes horizons cinématographiques. Et que j’ai découvert au FCMM il y a quelques années. Un bonheur arrive rarement seul…
L’histoire de cette comédie virtuelle et quelque peu dramatique est relativement simple. Mais c’est la façon dont le film est tourné et monté qui en fait une découverte vraiment intéressante. Un film qui se passe dans le futur (qui n’est peut-être pas si loin?). Thomas est un homme dans la jeune trentaine qui est agoraphobe. Dès lors il ne sort plus de chez lui et vit… autrement!!!
C’est toute cette vie que l’on découvre, avec ses limites, ses contraintes mais aussi ses immenses et virtuelles possibilités. On découvre sa mère, son psy, ses rencontres, ses peurs, ses quêtes aussi. Et on assiste à sa lente évolution.
Dès les premières images, on est surpris, déstabilisé. Puis on entre dans son monde et on partage littéralement son quotidien (une partie de celui-ci). C’est un film au point de vue complètement subjectif (celui de Thomas). Qui nous fait vivre toutes ses émotions/ses frustrations. Qui nous propose une société inventée, différente, et qui modifie certains standards techniques du cinéma (traditionnel).
Un film en apparence froid et statique. Qui parle d’Internet et de cybernétique. Mais qui est tellement humain, en fait. Parlant d’individualisme, de société, de solitude aussi. Et abordant l’éternel enjeu qu’est l’amour et sa place ou son importance dans la vie de chacun.
Moi je suis tombée complètement sous le charme. Je l’ai même revu après avec des amis, tellement j’avais aimé. De belles découvertes qui nous amènent complètement ailleurs et semblent nous ouvrir à plein de choses. À ce moment, j’avais été fascinée de voir que des gens pouvaient imaginer un tel film. Je le suis enocre, finalement!
Réal.: Pierre-Paul Renders, Belgique, 2000.

21 grams

Il y a des films qui vous intriguent. Des films qui retiennent complètement votre attention. D’autres qui vous dérangent. Celui-ci appartient aux trois catégories en même temps, et plus spécialement à la dernière. Et il vous rentre dedans (comme très peu l’ont fait pour moi).
Chassé-croisé d’histoires tragiques pour certains, et plus heureuses pour d’autres.
Mais chacune étant indissociablement liée, à la source ou la conséquence l’une de l’autre. Dans tous les cas, des situations extrêmement complexes et chargées d’émotions. Avec comme point de départ un accident, qui a des répercussions sur les vies de plusieurs personnes, de façon diamétralement opposée.
Le montage appuie et ajoute un certain suspense. C’est une lente découverte des événements, dans le désordre, mélange de temps réel et de retours en arrière.
Mais l’intérêt premier de ce film, pour moi, est ailleurs. Je garde en tête une scène, en particulier. Impossible pour moi de l’oublier. Fascinant exemple de réalisme, d’intensité et de l’atmosphère incroyablement trouble qui est maintenue tout au long du film. Je ne vous raconte pas l’histoire, ni le contexte. Sean Penn et Naomi Watts sont dans une cuisine et cette dernière éclate subitement, explose, n’en peut plus. Je ne me souviens pas de m’être sentie aussi mal à l’aise. Comme d’assister réellement à une telle scène et d’avoir juste envie de se retrouver aussitôt n’importe où, mais ailleurs.
Naomi Watts et Sean Penn y sont tous deux à couper le souffle. Je ne comprends d’ailleurs toujours pas pourquoi Sean Penn n’a pas reçu le Oscar de l’interprétation masculine pour ce rôle (au lieu de celui qu’il tenait dans Mystic River). Histoire de politique, certainement!
Benicio Del Toro est plus grand que nature, ce qui, avec son physique, ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur. Il pourrait facilement tomber dans l’excès. Surtout en regard de son personnage, un genre de «Jesus freak» (excusez l’anglais). Il est étonnant, bouleversant. Et même attachant.
On apprendra au passage le pourquoi du titre. Détail intéressant qui vient boucler la boucle. Autre fait à mentionner: le côté très réaliste, très «cru» de ce film, qui est admirablement renforcé par la caméra, le plus souvent à l’épaule. Parfois dérangeant (beaucoup de mouvement), mais un effet très puissant sur le résultat final.
Réal.: Alejandro González Iñárritu (celui qui nous a donné, entre autres, «Amours chiennes/Amores perros»), É.U., 2003.

My life without me

Une copine qui a vu ce film tout récemment me l’a ramené en mémoire. Je l’ai vu l’an dernier. J’avais été très touchée par la sensibilité du sujet, du jeu des acteurs et la mise en scène de la réalisatrice.
Le point de départ n’est pas évident: Ann, une toute jeune femme -conjointe et mère de famille- apprend qu’elle est atteinte d’un grave cancer et qu’il lui reste 2 mois à vivre. De là, on pourrait s’attendre à des explosions d’hystérie et des débordements sur-dramatiques… mais il n’en est rien. Ann envisagera très vite sa situation, celle des siens, la fatalité de ce qui l’attend à très court terme. Elle décidera de vivre le temps qu’il lui reste le plus complètement et intensément possible, tout en préparant le vide qu’elle laissera inévitablement pour ses proches.
L’héroïne (car elle en est une, rien que par les choix qu’elle fera et qu’elle essaiera d’assumer, tant bien que mal, jusqu’au bout) est jouée par Sarah Polley (que l’on a vue dans quelques films d’Atom Egoyan). Renversante prestation. En fait, tous les acteurs-trices sont très bons, mais je me dois de mentionner plus particulièrement les deux petites filles de Ann, qui sont incroyables. D’une maturité et d’un réalisme très émouvants. Comme je suis fan et que je le trouve vraiment très très beau, je souligne enfin le rôle que tient Mark Ruffalo. Encore là, rien de drôle dans son personnage, mais beaucoup de sincérité dans son jeu.
Un film d’une rare justesse et d’une grande retenue, malgré le propos tellement difficile. Un bel exemple de ce que peut être (et devrait être, selon moi) un drame sntimental qui se respecte et ne fait pas dans le sensationnalisme gratuit (si souvent navrant).
Réal.: Isabel Coixet, co-production Canada-Espagne, 2003.
La réalisatrice a également fait l’adaptation cinématographique du livre à la base de ce film. Impressionnant résultat! (et qui donne très envie de lire le bouquin).